par Rémi Chaussenot
le 16 octobre 2018

La désinformation sur internet est devenue un sujet à la mode, depuis l'élection du Président Américain fin 2016. Mais c'est loin d'être nouveau : pour moi, cela a commencé au début des années 2000 avec les chaines de mails qui propagent des informations fausses. Au décès de ma grand mère, on a retrouvé dans ses affaires.... un tract de début 1900.... qui propageait de fausses informations.

Alors, depuis quelques années, des petits groupes se forment afin de faire face. Mais il faut bien comprendre que cette mode est loin d'être finie : entre les journaux "réputés" qui font des articles à sensations (Le Parisien, par exemple), les sites qui font de la désinformation sous couvert d'humour (NordPresse, Le Gorafi,...), les sites qui font de la désinformation dans un but militant ou encore ceux qui en font car ils croient en une théorie du complot mondialisée, il y a beaucoup de raison d'écrire de la merde sur Internet.

Et écrire de la merde sur Internet, c'est devenu très simple. Avec l'avènement des réseaux sociaux, les outils pour faire un site sans toucher une ligne de code, tout le monde peut prendre la parole, pour le meilleur comme le pire. Parfois, cela nous ferait regretter l'absence d'un PPP (Permis de Prise de Parole en public) comme présenté dans le livre Virus L.I.V.3 ou la Mort des livres.

Deux choses qui contrôlent le monde (merci Internet!)
Deux choses qui contrôlent le monde (merci Internet!)

Alors, il faut apprendre à vivre avec. Comprendre pourquoi il y a tant de désinformation. Et surtout, comment elle se finance. Le business model des sites gratuits est toujours le même : il faut afficher de la pub. D'où l'apparition de titre ultra-vendeur dont le contenu est complètement pourri : l'objectif c'est de vous faire afficher la page et les pubs associés, pas de véhiculer de l'information.

Une bonne façon de lutter contre la désinformation : c'est le boycott. Un titre vous semble trop accrocheur ? Ne cliquez pas. Ou alors, installez un bloqueur de publicité (et de tracker) pour empêcher l'affichage de la pub. C'est une solution viable si -et seulement si- vous débloquez les pubs sur les sites que vous aimez bien. Eux doivent afficher de la pub pour continuer, car vous les aimez bien.



L'article original ayant été retiré d'internet, je vous en ai mis une copie en ligne.

J'ai vu passer cet article sur le groupe Zététique et devant avoir du temps à perdre, j'ai écrit cette critique.

A la lecture de ce texte, je note l’ambigüité des mots “monde” ou “terre”, plusieurs hypothèses :

  • l'auteure désire volontairement écrire des choses fausses, il faut donc les prendre au premier degré ;
  • l'auteure est au contraire très intelligente et il faut comprendre ces deux termes comme en opposition à l'expression “monde aquatique” (la pieuvre ne faisant pas partie de ce  “monde (terrestre)” / “terre”).

De ce point de vue, l'article est moins faux, simplement volontairement flou pour pousser la personne à cliquer.


Un site de publicité avant tout

Source sur Societe.com
Source sur Societe.com

Premièrement, le site internet (espritsciencemetaphysiques.com) est réputé pour propager des informations fausses.

Un membre du groupe Zététique écrit à son égard : “espritsciencemetaphysique se contente de pomper des infos sur le web US et de les traduire en français. Avec une prédilection pour tout se qui est extra-ordinaire et fantastique. Il n'a pas de tri ou de méthodologie juste de poster se qui attirera le chaland et que dont le web Français n'a pas parlé.

On notera que le site est bourré de publicité : sur un smartphone, une publicité pleine page s'affiche, puis le titre, puis à nouveau une publicité pleine page. La presse en ligne vit de la pub, mais là, un panneau “ce site sait qu'il écrit de la désinformation, donc que les gens ne vont pas payer pour qu'il survive, donc il met de la pub partout pour se financer” doit s'allumer dans votre tête. C'est plus un support de pub (qui vise à faire de l'argent en générant un grand nombre de clic) qu'un site informatif à ce niveau (le contenu leur importe peu).

Confirmé par un autre membre du groupe Zététique : “Ce site est bien connu pour raconter la plupart du temps n'importe quoi et la question à se poser est : Pourquoi ? L'entreprise déclarée propriétaire de ce site est HELIOS PROD (ils ont depuis masqué leur identité dans le WHOIS). Il s'agit d'une entreprise de publicité. Donc l'objectif de ce site est de générer du revenu en attirant des internautes. En effet chaque page contient en moyenne six publicités affichées et à chaque affichage dans un navigateur rapporte à HELIOS PROD une somme des annonceurs. D'où l'attention plus que secondaire portée à la qualité et la validité du contenu publié : l'essentiel étant d'être alléchant…

Mais mettons cela de côté, et partons sans aucun à-priori.


Critique du contenu de l'article

Lors d'un partage sur Facebook, on possède sans cliquer :

  • le titre : “Avancée scientifique : l’adn de la pieuvre ne vient pas de ce monde”,
  • un bout de texte : “Selon une nouvelle étude, l’ADN des pieuvres ne vient pas de ce monde! Effectivement, leur génome est beaucoup plus complexe que celui d’un humain

Avec juste le titre et ce bout de texte, on peut déjà établir un raisonnement un peu plus scientifique : puis-je poser une hypothèse plus simple ? Une qui ne requiert pas d'extra-terrestre pour expliquer la complexité de l'ADN de pieuvre ? Très brièvement, la théorie de l'évolution dit oui à cette question. Et en science, en général, l'hypothèse la plus simple est souvent celle retenue.


L'article au complet
L'article au complet

“Selon une nouvelle étude, l’ADN des pieuvres ne vient pas de ce monde!”

Cette information est gratuite et sans source. Dans un document scientifique on s'attendrait à une parenthèse, renvoyant vers la référence de l'article qui a émis une telle hypothèse. Là… on doit croire l'auteure sur parole.

En revanche, si on considère le sens de “monde” comme étant “monde terrestre” (celui où nous vivons), cette affirmation est juste : la pieuvre n'est clairement pas un animal du monde terrestre “humain” (mais du “monde aquatique”), l'affirmation est donc juste évidente.


“Effectivement, leur génome est beaucoup plus complexe que celui d’un humain et contient environ 33.000 gènes codant pour des protéines! Cet ADN alien ne ressemble à aucun autre étudié ici sur terre.”

Plusieurs choses :

  • l'ADN de pieuvre contient plus de gènes que celui de l'Humain (33 000 vs 25 000 pour l'humain), c'est correct ;
  • mais plus de gènes ne veut pas dire “plus de complexité”. Loin de là (le maïs possède 54 000 gènes, voilà voilà…. Source) ;
  •  Il est cependant vrai que la pieuvre a un génome très complexe, par expansion de deux familles précises de gènes (Source) ;
  • pourquoi cet ADN serait “alien” ? Là encore, on s'attendrait à une source. On doit croire l'auteure sur parole.

Comme dit au dessus, si à la fin de la phrase “terre” se comprend par “monde terrestre” (par opposition au monde sous-marin de la pieuvre), la pieuvre est effectivement un alien (littéralement “alien” signifie “étranger : source) de ce monde “terrestre”.


L'ADN (merci Wikipedia)
L'ADN (merci Wikipedia)

“Les océans ont de nombreux mystères que nous découvrons chaque année quand les biologistes marins peuvent aller plus loin et étudier avec de meilleures technologies. Récemment, un groupe de chercheurs a décidé de se pencher sur les codes ADN autour des céphalopodes, afin de mieux les comprendre.”

Cette affirmation est parfaitement exacte. Un peu de vérité aide à faire passer le message mensonger qui vient ensuite.

Même si l'expression “codes ADN” n'existe pas. On parle de “code génétique” (un assemblage de trois nucléotides qui sera traduit en un acide aminé -Source-) ou d'ADN tout court (abréviation de “acide désoxyribonucléique” qui fait référence à sa composition -Source-). Et "les codes ADN autour des céphalopodes", WTF ? La formulation moins fausse serait "le code ADN des céphalopodes". Donc clairement, l'auteure n'est pas biologiste et donc pas spécialiste du domaine sur lequel elle écrit cet article (elle peut donc commettre des erreurs).


“Cette classification regroupe divers mollusques tels que le calmar, la seiche et bien sûr la pieuvre. Les scientifiques pensent que leur évolution remonte à au moins 500 millions d’années, ce qui signifie qu’ils seraient même antérieurs à certaines espèces végétales de la terre! Elles sont tellement polyvalentes qu’elles sont présentes dans tous les coins de l’océan et à n’importe quelles profondeurs.”

Ces phrases sont très intéressantes car deux vérités entourent un mensonge.

La première phrase est correcte.

La seconde mérite qu'on s'y attarde :

  • que la pieuvre soit apparue il y a 500 millions d'années… pourquoi pas.
  • qu'elle soit antérieure à certaines espèces végétales de la terre… pourquoi pas. A mon avis, ils n'avaient pas encore de rose violette avec des reflets bleutées à l'époque. En revanche, “terre” ne doit surtout pas se comprendre comme “la planète Terre”, où la vie est apparue dans les Océans, il y a 3 800 millions d'années avec les cyanobactéries (Source).

Pour la troisième phrase, comme on est loin d'avoir exploré tous les océans, ce n'est qu'une hypothèse : on n'a vraiment pas fouillé partout dans l'océan. Même plutôt qu'une toute petite partie superficielle.


“Elles ont une biotechnologie incroyablement avancée sur elles, surtout quand vous pensez à leur peau qui change de couleur, leurs yeux comme des caméras, et leur corps extrêmement flexibles. Elles ont également un très grand système nerveux.”

Là aussi, elle joue sur l'effet “wahou”. Les caméléon peuvent changer de couleur, l'aigle a une super vue (et la vue sous l'eau, n'est pas réellement importante, c'est plus un sens aérien, donc d'animaux terrestres…), la limace a un corps super flexible…. bref, des exemples d'animaux “super wahou”, il y en a une pelleté.

On notera la comparaison “d'yeux comme des caméras” : l’œil humain est aujourd'hui beaucoup plus performant qu'une caméra, notamment en basse luminosité (qui est la norme dans les océans)… pensez à vos smartphones.

Une girafe avec un biberon.... à mon avis, c'est ma seule chance de mettre cette image dans un article...
Une girafe avec un biberon.... à mon avis, c'est ma seule chance de mettre cette image dans un article...

La référence à un “très grand système nerveux” soulève deux choses :

  • il n'y a aucun élément de comparaison (je soupçonne la girafe d'avoir un plus grand système nerveux qu'une pieuvre… comme elle est beaucoup plus grande),
  • un grand système nerveux ne présume absolument pas de son efficacité / complexité,
  • … bref, la phrase ne sert à rien.

On pourra noter ici aussi le jugement de valeur “incroyablement” que l'on retrouve tout au long de l'article : ce n'est pas scientifique, cela sert juste à créer “l'effet wahou”.


“Ces cerveaux hautement développés sont considérés comme extrêmement intelligents et elles ont été capables de prouver leurs compétences en résolvant des énigmes complexes. Il suffit de consulter cette vidéo qui montre une pieuvre en train d’ouvrir un pot!”

Que la pieuvre soit intelligente, c'est un fait. Oui.

Que le cerveau soit “hautement développé” : par rapport à quoi ? Le cerveau humain l'est probablement plus avec son cortex préfrontal qui a permis l'émergence de la civilisation technologique humaine. Quand on parlait de jugement de valeur

Que la pieuvre soit capable d'ouvrir un pot, oui, effectivement. Des capacités d'intelligences dans le monde animal, il en existe beaucoup. Vraiment, beaucoup. C'est donc ordinaire, pas extra-ordinaire.


“Ce nouveau séquençage d’ADN révolutionnaire a pu montrer qu’elle ne ressemble à aucune autre créature sur cette planète. Cette complexité encore jamais observée était plus complexe que le génome humain et ce fut une découverte très excitante pour les biologistes marins à travers le monde.”

Alors, le séquençage est “nouveau” car on vient de le faire. Mais il a été réalisé avec des techniques usuelles de séquençage en laboratoire. Encore une fois un jugement de valeur : je ne vois pas en quoi cet ADN est révolutionnaire. Il est composé comme tout autre ADN, donc d'un acide désoxyribonucléique si vous avez bien suivi.

Le fait que ça ne ressemble à aucune créature, ben, de fait, c'est faux. Juste, faux.

Pour la fin, vous vous doutez : en aucun cas cette complexité est extra-ordinaire et à mon avis, l'auteure ignore vraiment ce que pense les biologistes marins. Vous vous rappelez ? On a vu que ce n'était pas une spécialiste du domaine.


Le Dr Clifton Ragsdale de l’Université de Chicago, aux États-Unis a déclaré: « La pieuvre semble être tout à fait différente de tous les autres animaux, même des autres mollusques, avec ses huit bras préhensiles, son grand cerveau, et ses capacités de résolution des problèmes. Le zoologiste britannique Martin Wells a déclaré que le poulpe est un alien. En ce sens, donc, notre document décrit le premier génome séquencé à partir d’un alien ».”

On touche ici à ce qu'on appelle un argument d'autorité. Le site cite un scientifique (qui existe probablement) espérant que comme il est “Docteur” dans une université, vous n'allez pas remettre en cause ses propos : remettez-les en cause.

Dans le texte original, cela donne : ““It’s the first sequenced genome from something like an alien,” jokes neurobiologist Clifton Ragsdale”. En gros : “c'est le premier génome séquencé qui ressemble à un alien, PLAISANTA le neurobiologiste C. Ragsdale”. Il plaisantait, hein. Faisait, une blague => lol.

(On notera donc que le pauvre Martin Wells n'a rien demandé. Source).

Poudlard (non, sans blague, c'est l'Université de Chicago, enfin, un de ses escaliers)
Poudlard (non, sans blague, c'est l'Université de Chicago, enfin, un de ses escaliers)

“L’une des raisons pour lesquelles les biologistes voulaient étudier la pieuvre est parce qu’elles semblent être naturellement en mesure d’adapter et de résoudre des problèmes très complexes. Sa capacité d’apprentissage et de mémorisation a déconcerté les scientifiques, ce qui les a conduit à effectuer un test de séquençage de l’ADN.”

Le début, oui, la fin… pour tester l'apprentissage / mémorisation, on effectue en premier des tests comportementaux, avant de séquencer l'ADN. Il n'y a vraiment pas nécessairement un lien ADN => comportement. Loin de là.

On séquence plutôt l'ADN pour étudier les protéines, ou la classification des espèces vivantes (et encore, c'est dépassée, comme approche).


“Ce nouveau génome peut aider à expliquer pourquoi elles sont capables de changer rapidement de couleur et même communiquer avec la couleur de leur peau.”

Oui, mais ce n'est pas extraordinaire.

Il est évident que leur capacité à changer de couleur dépend de leurs gènes : au départ, nous n'étions qu'une cellule œuf composée d'ADN et à force de division, on obtient un individu adulte.

Par contre, on notera le “communiquer avec la couleur de leur peau” : vous communiquez souvent avec la couleur de votre peau ? Qu'est-ce que veut dire cette expression ? (Probablement l'idée qu'elles ont conscience de leur couleur actuelle, pour la changer et l'adapter, mais c'est très mal écrit et le terme “communication” est très précis en biologie -quelques clefs de ce qu'est une “communication” : Wikipedia qui a fait du bon boulot-).


Les transposons, prix Nobel en 1983
Les transposons, prix Nobel en 1983

“Les scientifiques ont également découvert que le génome est rempli de transposons qui sont également connus comme des «gènes sauteurs». Ces gènes se réorganisent dans le génome. Même les scientifiques ne sont pas sûrs de ce que font ces gènes très avancés, il y a quelque chose de vraiment étrange qui se passe à l’intérieur des neurones de la pieuvre.”

Les transposons existent bel et bien, ils n'ont rien de magique. Tout le monde en possède (Source).

Ils ne peuvent pas se “réorganiser” comme si une volonté divine les guidait, hein.

On notera encore le jugement de valeur “gènes très avancés”. Un gène est un gène, un fragment d'ADN : un gène ne peut pas être plus avancé qu'un autre.

Et le lien entre les “transposons” et les “neurones” ??? Elle passe du coq à l'âne. L'esprit humain comblant les vides de lui-même, elle doit s'attendre à ce qu'on pense que c'est car ces “transposons magiques” sont dans le génome, que les pieuvres sont intelligentes… mais c'est complètement faux et gratuit comme raisonnement.


“Imaginez votre corps rempli de cellules souches qui pourraient changer rapidement en fonction de ce que vous avez besoin d’un moment à l’autre. Ce serait une biologie incroyablement avancée qui pourrait faire une énorme différence dans notre capacité d’adaptation aux changements de l’environnement et pour survivre à des conditions extrêmes.”

Alors, trop de cellules souches peut être mauvais pour un organisme. On a besoin de stabilité (pour conserver notre mémoire par exemple, l'amnésie infantile reposerait d'ailleurs sur une mort cellulaire importante de cellule souche dans le cerveau, nécessaire à l’émergence de l'adulte). Là, on est encore une fois dans cette idée d'une volonté divine qui guiderait les cellules souches au bon endroit, au bon moment… ce n'est pas comme cela que fonctionne la biologie.

Et jusqu'à présent, notre biologie assez “mauvaise” par rapport à d'autres animaux physiquement beaucoup plus fort (comme le chat qui tombe de plusieurs étages sans mourir) ne nous a pas empêché de devenir l'espèce dominante de la planète.

Vous avez noté le jugement de valeur sur “biologie incroyablement avancée” ?


"Avec quelques exceptions notables, la pieuvre a en fait un génome invertébré typique qui vient d’être complètement réorganisé, comme s’il avait été mis dans un blender et mixé », a déclaré Caroline Albertin, étudiante diplômée en biologie des organismes et d’anatomie à l’Université de Chicago. « Cela conduit à des gènes placés dans de nouveaux environnements génomiques avec des éléments régulateurs différents, et ce fut une découverte tout à fait inattendue.» (Source)

Oui. Pourquoi pas. Son génome a une organisation particulière. Tout comme les virus qui ne se basent pas sur l'ADN, mais sur de l'ARN. Cette madame a tout a fait le droit de dire ça!

Vous le voyez quand même un peu l'argument d'autorité là ? On va voir comment l'auteure de ce site va déformer ces propos tout à fait valables maintenant.


“Le rapport scientifique conclut que les pieuvres ont des gènes «étrangers» qui sont à la fois choquants et intrigants pour la communauté de biologistes marins.”

Au dessus, le site nous source la citation de C. Albertin : mais là, aucune source. On doit donc croire l'auteure sur parole et… ben non.

Les pieuvres n'ont pas de gènes étrangers, non non. Et vous voyez le jugement sur “choquant” ?

Elle déforme ici complètement la thèse de C. Albertin, on appelle cela l’argument de l'épouvantail : reprendre de façon erronée une affirmation de son interlocuteur pour lui faire dire ce que l'on veut (généralement, appuyer le fait qu'on a raison).


Sciences en Marche est une association créée en juin 2014 qui a pour but de sensibiliser l’opinion publique et notre représentation nationale aux enjeux de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) pour notre société, notre économie et nos valeurs culturelles.
Sciences en Marche est une association créée en juin 2014 qui a pour but de sensibiliser l’opinion publique et notre représentation nationale aux enjeux de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) pour notre société, notre économie et nos valeurs culturelles.

“Il est peut-être temps de regarder plus profondément dans nos propres océans pour voir les autres mystères exotiques qui sont enterrés dans les profondeurs.”

Ah… en effet. Demandez au gouvernement français d'arrêter de couper nos subventions de recherches, pour cela.


“Sources: globalpossibilities.org et news.uchicago.edu”

globalpossibilities.org => C'est la version originale de l'article en anglais, où les commentaires disent en gros “l'étude scientifique originale ne dit pas du tout ça, vous dites de la merde, vous n'êtes pas crédibles, honte à vous”.

news.uchicago.edu => une autre qui m'a l'air plus scientifique et décrit le papier scientifique de façon plus honnête. Article titré “Landmark sequencing of octopus genome shows basis for intelligence, camouflage” (en gros : “le séquençage de l'ADN de poulpe montre les bases pour l'intelligence et le camouflage”), c'est moins vendeur, oui.


“Claire C.”

Elle a osé signer ce torchon, oui, oui!!


En conclusion

Mon billet ayant été rédigé il y a plus de deux ans, on en sait plus sur le fin mot de l'histoire.

Même le plus mignon des animaux existant dans l'Univers sait qu'on est mal barré
Même le plus mignon des animaux existant dans l'Univers sait qu'on est mal barré
Situons la chronologie :

  • L'article scientifique original, publié dans Nature en août 2015, établissait le premier séquençage de l'ADN de pieuvre. C'est un très beau papier. Nature reste un journal où beaucoup de scientifiques aimeraient publier. C'est prestigieux ;
  • Il n'y a aucune mention du mot "alien" dans cet article scientifique ;
  • Sauf que voilà, le chercheur, il a blagué dans les médias américain le lendemain, disant que c'était de l'ADN extraterrestre. BAM ! Couverture médiatique, on en rigole encore trois ans après, lol.
  • Les médias français ont alors confondu l'article scientifique et l'article journalistique américain et ont commencé à titrer "Les poulpes sont des aliens (c'est la science qui le dit !)" (genre ici, ce qui signifie qu'ils n'ont même pas lu l'article scientifique original, donc ne sont pas remonté à la source).

Ça, c'était à l'époque de mon debunking en 2016, mais depuis, la vrai blague, elle est ailleurs (non, pas dans les étoiles).

En effet, en remettant à jour cet article, j'ai découvert que la blague continuait.

Parce qu'il y a 500 millions d'années et durant plus de 10 millions d'années, une "explosion de la vie" a eu lieu sur Terre, induisant une diversification soudaine et sans précédent des espèces. Du coup un collectif de 33 chercheurs suggèrent (en mai 2018) que ce sont des virus extraterrestres à la base de cela.... voir des œufs de pieuvre envoyés par des petits hommes verts par le biais de comète (on a vu plus haut que la pieuvre est apparue à cette époque). Sans blague, il est écrit dans la publication : "Thus the possibility that cryopreserved Squid and/or Octopus eggs, arrived in icy bolides several hundred million years ago should not be discounted" (traduction sur DeepL.com).

La bonne nouvelle, c'est qu'eux n'ont pas publié dans Nature (facteur d'impact de 41.6, comme expliqué dans mon précédent article) mais dans Progress in Biophysics and Molecular Biology qui n'a un impact facteur que de.... 3.4. Donc une revue bien moins cotée, qui visiblement ne rechigne pas à publier des papiers aux théories farfelues.

Qu'on se comprenne bien. Concernant le premier article de 2015, les médias n'ont aucune excuse dans leur erreur. En revanche, en 2018, le sujet "pieuvre et extra-terrestre" peut être traité médiatiquement : c'est une hypothèse de l'étude scientifique. Ce que je regrette, c'est que plutôt d'en profiter pour faire de l'éducation à la science (comment fonctionne la publication scientifique, les débats qui animent notre communauté, les différentes théories...), les médias sautent sur l'occasion pour faire du clic. Je vous ai expliqué l'architecture d'un article scientifique dans mon précédent article : vous savez que l'interprétation arrive à la fin de l'article. Ici, les médias, ils en font le gros titre et inversent de fait complètement le discours initial. Et c'est là, le gros problème. La science est traitée à l'envers, en dépit de toute méthode scientifique et de façon plus large, d'esprit critique.

En Science, les chercheurs veulent aussi parfois se marrer : à l'image de la Pikachurin, cette protéine qui porte le nom du célèbre Pokemon. On peut en parler dans les médias, mais qu'ils en profitent pour faire un peu de culture / information, pas uniquement de la désinformation....

On est quand même mal barré pour le futur......


R.



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